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Les mégalithes du Golfe du Morbihan

Les mégalithes d'Arzon

Située à l’extrémité de la presqu’île de Rhuys, la commune d’Arzon possède un patrimoine mégalithique exceptionnel tant par le nombre de sites et leur variété que par le monumentalisme atteint par certains d’entre eux. Parmi les fleurons de ce patrimoine nous pouvons citer le cairn du Petit Mont, le tumulus carnacéen de Tumiac et la double enceinte d’Er Lannic sur l’îlot du même nom. De surcroît, plusieurs des sites situés sur la commune ont eu la chance de bénéficier de campagnes de restaurations récentes (mise en valeur du cairn du Petit Mont, de l’allée couverte de Bilgroix, …).


Le cairn du Petit Mont

Juché sur une hauteur face au Mor braz (« Grande mer », terme qui désigne la baie s’étendant de presqu'île de Quiberon au Croisic), le cairn du Petit Mont sert depuis longtemps d’amer aux marins pour entrer dans le golfe du Morbihan. En 1861, le tumulus commence à attirer l’attention pour sa valeur archéologique ; une première fouille y est effectuée par le Dr Cussé et L. Galles, menant à la découverte d’un premier dolmen. Celui-ci fut de nouveau fouillé par Zacharie Le Rouzic en 1912, puis restauré. Le cairn a hélas souffert de sa position stratégique lors de la dernière guerre mondiale, car les allemands y installèrent des blockhaus. Bien que jugé irrécupérable, le monument fit néanmoins l’objet de campagnes de fouilles de 1979 à 1989, menées par Joël Lecornec. Celles-ci permirent de découvrir un nouveau dolmen et de révéler la complexité de cet ensemble construit en plusieurs phases.
À l’origine, entre 4580 et 4440 av. J.-C., un tertre fut construit avec une stèle à son extrémité. Celui-ci fut ensuite recouvert en partie par un premier cairn trapézoïdal auquel sera par la suite accolé un second cairn recouvrant un dolmen à couloir (le dolmen II construit et utilisé entre 3990 et 3300 av. J.-C). Enfin un troisième cairn ceinturant les deux premiers assemblages de pierres sèches permit d’abriter deux nouvelles tombes (dolmens III A et III B).
Les deux dolmens conservés (dolmens II et III A) possèdent de nombreuses gravures. Une partie des dalles utilisées pour construire ces sépultures proviennent de stèles en réemploi notamment dans le dolmen du cairn II.
Les fouilles ont démontré que le dolmen III A fut réemployé durant l’âge de fer et la période gallo-romaine.

Le tumulus de Tumiac

Surnommée « La butte de César », cette véritable colline artificielle de forme conique est l’un des plus beaux exemples de tumulus carnacéen. Elle fut fouillée une première fois en 1853 par Louis Galles et Alfred Fouquet. Après avoir traversé une première couche de pierres et de terre puis une seconde couche de vase, ils découvrirent un dolmen sans couloir renfermant les restes dégradés d’un squelette adulte ainsi qu’un mobilier exceptionnel composé de 249 éléments de parures et de 32 haches ; ces artefacts, d’une remarquable qualité de façonnage, ont été réalisés en pierres prestigieuses (jade, fibrolite et variscite) pour la plupart d’origine lointaine (le jade utilisé pour les haches proviennent du versant italien des Alpes). Les parois du dolmen sont gravées et recouvertes d’une dalle de quartz. En 1934, Zacharie Le Rouzic procèda à une restauration et à l’aménagement d’un tunnel d’accès, qui sera ensuite condamné en raison des risques d’éboulements.

Le tumulus de Tumiac
Le tumulus de Tumiac

L'alignement de Porh Nèze

Sur l'estran non loin du village de Porh Nèze, un ensemble d'environ 300 blocs dans la vasière pourrait correspondre aux vestiges d'un important ensemble d'alignements mégalithiques. Les blocs sont de tailles modestes, n'excédant pas 1m de long. Ils sont en grande partie enfouis sous la vase et recouverts d'algues. Bien que quelques blocs soient toujours dressés, la grande majorité des pierres sont couchées et réparties en plusieurs files parallèles sur 130m de longueur au minimum et sur un peu moins de 25m de largeur, selon une orientation Nord-Nord-Est/Sud-Sud-Ouest. Un plan précis de l'ensemble permettrait de connaître le nombre exact de blocs et d'alignements parallèles. Le site semble être lié avec un affleurement rocheux bien visible au Sud-Ouest. À coté de cet affleurement, deux gros blocs de pierres pourraient constituer les vestiges d'un menhir cassé en deux.
Le menhir de Porh Nèze (voir la page consacrée aux mégalithes de Saint-Gildas-de-Rhuys) n'étant pas très loin, on peut émettre l’hypothèse que ce dernier constituait un monument satellite de l’alignement décrit ci-dessus. À plus grande échelle, cet ensemble mégalithique – de même que l'alignement de Kerjouanno et les nombreux menhirs dispersés autour du Net [Kermaillard, Clos er Bé, Men Palud] – ont sans doute été construits en lien avec le tumulus de Tumiac.

L'alignement de Porh Nèze
Au premier plan, le menhir brisé
En arrière plan, les blocs de l'alignement

Les enceintes mégalithiques d'Er Lannic

En face de l’île de Gavrinis, le petit îlot d’Er Lannic abrite l’un des monuments mégalithiques les plus emblématiques de Bretagne : un ensemble de deux enceintes mégalithiques en forme de fer à cheval. Ce site présente la particularité d’être aux trois quarts immergé par les eaux du golfe du Morbihan à marée haute. L’enceinte mégalithique en partie émergée fut découverte par G. de Closmadeuc en 1866. À l’époque, quatre ou cinq menhirs étaient encore debout. Quelques années plus tard, c’est au tour de la seconde enceinte entièrement immergée d’être découverte. L’état actuel du site résulte des fouilles et des restaurations menées de 1923 à 1926 par Saint-Just Péquart et Z. Le Rouzic.
L’enceinte nord, à cheval entre l’îlot et l’estran a une forme de U aplati de 66m de diamètre, orienté vers le solstice d’hiver. Le plus grand menhir (mesurant plus de 4m de haut) se situe dans l’axe du monument. Les soixante-quatre autres pierres font en moyenne 1m50 de haut et sont presque jointives. Certains menhirs portent des gravures pouvant dater de 3500 av. J.-C. Les pierres de l’enceinte sont prises dans un talus vraisemblablement d’origine néolithique.
Sur l’estran et dans l’axe de l’enceinte subsiste un regroupement de plusieurs blocs dans des positions confuses dont la structure d’origine est difficile à déterminer.
Entièrement immergée à marée haute, l’enceinte Sud-Est – orienté vers l’Est – diffère sensiblement du premier ensemble. Des menhirs de taille très importante (en moyenne 4m de long) sont espacés régulièrement et forment un demi-cercle irrégulier de 61 m de diamètre. L’enceinte se termine à ses deux extrémités par deux grands blocs de 8 m et 5 m de long figurant parmi les plus grands menhirs du Golfe du Morbihan. Dans la partie sud de l’enceinte de nombreux monolithes ont disparu. À la jonction des deux enceintes, plusieurs blocs sont peut-être les vestiges d’un aménagement circulaire.
À ces grands ensembles, il faut ajouter la présence de deux autres menhirs sur l’estran de l’îlot, situés à l’écart des enceintes ; l’un fait 7m de long et l’autre 3m.
L’étude de la nature des roches des différents blocs montre que les bâtisseurs des enceintes ont accompli un colossal travail d’acheminement des pierres, n’hésitant à leur faire parcourir de trois à quatre kilomètres (notamment pour les blocs en orthogneiss).

Er Lannic - L'Enceinte Nord en partie immergée
L'Enceinte Nord en partie immergée

L'allée couverte de Bilgroix

Classée monument historique en 1978, cette allée couverte – orientée Est-Ouest – a la particularité de ne posséder aucun orthostate en dehors de la dalle de chevet. Les parois du couloir sont donc en pierres sèches, ce qui en fait un monument unique en Bretagne. Il ne reste qu’une dalle de couverture en place et la tombe était initialement dallée. La fouille de 1990, menée par Joël Lecornec, a mis à jour un cairn de pierre sèche en forme de fer-à-cheval et un système de blocage à l’entrée du monument ; ce dispositif amovible pouvait par exemple être retiré lors de l’enterrement d’un défunt.

L'allée couverte de Bilgroix
L'allée couverte de Bilgroix


L'allée couverte de Bilgroix - Mobilier découvert lors des fouilles

Mobilier découvert lors des fouilles de l'allée couverte de Bilgroix


Le dolmen de Grahniol

Dans son « Essai sur les antiquités du département du Morbihan » (1825), le chanoine Mahé recense – étonnamment – deux dolmens au Grahniol. Félix Gaillard explora le monument en 1895 et y découvrit des outils en pierre, des éléments de parures et de la céramique. En 1936, le monument fit l’objet d’une restauration en recourant notamment à des piliers en béton, et la pierre dressée à l’entrée du dolmen fut relevée. D’après François-Marie Cayot-Délandre (1847), le dolmen se situait au sud d’un grand tumulus de 30 mètres de long de forme « ovale allongé » orienté nord-sud. Ce tumulus a malheureusement été complètement détruit par les habitants qui en ont peu a peu enlevé la terre (utilisée comme engrais). C’est au nord de ce tumulus que se trouvait l’enceinte de Grahniol évoquée ci-après.
Sur une éminence dominant le golfe du Morbihan, le dolmen de Grahniol a pour originalité de posséder un cabinet latéral situé avant la chambre terminale. Ce cabinet est couvert par une immense dalle de couverture de 5m50 de long qui couvre aussi une partie du couloir. D’une longueur de 12m, ce monument conserve plusieurs orthostates gravés représentant des symboles classiques de l’art néolithique (signe en U, crosses, écussons, haches emmanchées...) dont certains, en partie cachés, témoignent d’un réemploi de stèles gravées plus anciennes. Il ne faut cependant pas confondre ces gravures plurimillénaires avec les lignes de mortaises sur les dalles de couverture témoignant d’une tentative de destruction beaucoup plus récente pour récupérer des matériaux de construction. Le monument était sans doute jadis plus important : lors de ses fouilles F. Gaillard a remarqué que le dallage du dolmen se prolonge sur un peu plus d'un mètre supplémentaire par rapport au couloir, et une dalle qui gisait à l'époque à 2m50 du couloir (aujourd'hui relevée comme "menhir indicateur") était probablement la première dalle de couverture du dolmen. F. Gaillard supposa que le dolmen avait subi pas mal de destructions ce qui expliquerait notamment la quasi absence de supports dans la chambre. Il fit la découverte étonnante de deux pierres gravées de taille modeste (respectivement 30 et 40 cm dans leur longeur maximale) dans le couloir et dans l'axe du cabinet latéral. Sur la première on pouvait observer deux haches dont les trachants étaient face à face (malheureusement l'une des deux haches était en grande partie détruite en 1895) ; sur la seconde figurait une seule gravure de hache.

Dolmen de Grahniol
Le dolmen de Grahniol

Gravures dans le dolmen de Grahniol
Gravures dans le dolmen de Grahniol

L'enceinte de Grahniol

À une trentaine de mètres au nord du dolmen de Grahniol, sur une hauteur dominant le Golfe, se dressait autrefois une enceinte mégalithique comparable au monument d’Er-Lannic (situé à 1km au nord). Elle est évoquée dans le dictionnaire de Jean Ogée comme étant « un vaste cromlech » au nord du dolmen et du tumulus du Grahniol (décrits ci-dessus). Aujourd’hui, il ne reste qu’une dizaine de blocs. On retrouve tout d’abord deux pierres sur un talus dans les broussailles au nord du dolmen. L’une fait un mètre de long et l’autre est aux trois-quarts enterrée. Le talus – en forme de quart de cercle de 1m de haut pour 0,80m de large – est sans doute lui aussi d’origine néolithique. Enfin,  dans une propriété voisine, une dizaine de blocs d’un peu moins d’un mètre sont alignés. Certains d’entre eux semblent en place. Avec d’aussi maigres vestiges, il est donc difficile d’imaginer l’allure générale du monument avant sa ruine. Lorsque l’on tente de reconstituer le plan d’un monument du néolithique, on peut parfois s’appuyer sur un indice surprenant : le cadastre napoléonien. En effet, les menhirs ayant bien souvent servi de limites aux parcelles, on peut parfois y retrouver une partie de la forme d’un monument (c’est par exemple le cas pour l’enceinte de Kergonan à l’Île-aux-Moines). Dans le cas qui nous intéresse ici, on peut deviner dans le plan cadastral une enceinte en forme de fer-à-cheval évasé, ouverte vers l’Est (semblable à l’enceinte de Kergonan ou celle entièrement immergée d’Er Lannic).

Tracé de l'enceinte de Grahniol ayant servi de limites aux parcelles dans le cadastre de 1827

Au centre, le tracé de l'enceinte de Grahniol ayant servi de limites aux parcelles dans le cadastre de 1827


L'alignement de Kerjouanno

Non loin du tumulus de Tumiac se dresse une file de onze pierres dressées, de tailles modestes, orientée Nord-Est/Sud-Ouest. Elle longe l’entrée du parking du supermarché Super U. L’alignement a sans doute été érigé en lien avec le tumulus.

L'alignement de Kerjouanno
L'alignement de Kerjouanno

Le menhir du Motenno

Dans le village de Motenno (ou Monténo ), un menhir de 2m90 de hauteur se situe sur un talus entre deux entrées de propriétés ; il comporte notamment une ligne de fracture dans le sens de la hauteur. Le granite utilisé pour sa construction est d’origine locale. Ce menhir n'était sans doute pas isolé à l'origine : Le Rouzic mentionne plusieurs menhirs sur ce site. De plus, une carte postale du début du XXe siècle (fond David) montre le menhir du Motenno trônant au milieu de la lande, et à quelques mètres deux pierres de taille modeste dont une semble dressée.

Le menhir du Motenno
Le menhir du Motenno


Le menhir du Motenno
Les menhirs du Motenno
(fond David
Archives départementales)

Les mégalithes de la pointe du Motenno

En plus du menhir précédemment décrit, la pointe du Motenno abrite quelques monuments mégalithiques peu visibles car cachés sous les broussailles ou dans des propriétés privées. Un tumulus déjà cité par Ernest Rialan dans son article sur « Les découvertes archéologiques entre 1886 et 1892 » a livré, en 1860, neuf ou dix haches « plus grandes que la main, [dont] plusieurs cassées, toutes d’une pierre blanc-grisâtre ». Ce tumulus a environ une longueur de 40 m pour une largeur de 25m et une hauteur de 2m. Un menhir encore debout au XIXe se dressait à sa base.Plusieurs autres blocs sont signalés dans le landier au nord du tertre formant les possibles vestiges d'un ensemble de menhirs.
Au Nord-Est de la pointe du Monténo, au bord du sentier côtier, se trouve une pierre dressée d’un peu plus de 2m de haut qui semble être un affleurement rocheux. Un dolmen se trouverait à proximité, enfoui sous la végétation.

Le site du Vouliaren (Bernon)

Le site du VouliarenSi jamais, à l’occasion, vous visitez le Musée d’Archéologie Nationale (MAN) dans le château de Saint-Germain-en-Laye en région parisienne, vous ne manquerez pas de remarquer un très bel ensemble de haches polies qui figure à juste titre parmi « les objets emblématiques » du musée puisqu’il provient d’un des plus importants dépôts de haches néolithiques découvert en France. La plaquette d’information vous indiquera que ces haches proviennent du site de Bernon à Arzon. Toutefois si jamais lors d’une balade à Arzon, il vous venait à l’esprit d’aller rendre visite à ce fameux site mégalithique, vous serez probablement assez surpris de ne le trouver nulle part…
Bien que cela puisse paraitre étonnant, à l’inverse des haches polies qui ont bénéficié d’une belle mise en valeur, ce site mégalithique est tombé dans un oubli total à tel point qu’avant la découverte d’un vieux plan dressé par Passillé en 1874 aux archives du MAN et les prospections pédestres menées en 2014 par l’association de la Maison forte de Rhuys puis en 2019 par Serge Cassen, Olivier Celo et Christian Obeltz, plus personne ne savait où se trouvait exactement le monument et ce qu’il en restait.
Jusqu’au début du XXe le site de Bernon est mentionné dans presque tous les inventaires avec cependant des descriptions assez différentes. Amédée de Francheville signale dans l’édition de 1843 du dictionnaire d’Ogée « un dolmen ruiné et un menhir de dix pieds de haut ». En 1847, Cayot Délandre donne une information semblable : « dans le clos Vouillerènn un dolmen ruiné et un menhir de 3m30 de hauteur ». Il mentionne aussi un menhir « renversé long de 3m » dans le clos Plancho (nom d’un ensemble de parcelles jouxtant à l’ouest le clos Vouliaren). Le 18 décembre 1893, un paysan découvre le dépôt de haches. L’année suivante le docteur Passillé consacre à cet évènement un article où il décrit assez précisément les lieux : « En quittant le village de Bernon […], on arrive, dans la direction ouest, à une parcelle de terre un peu en pente, dépourvue d’arbre, portant sur le cadastre le nom de « Bougaren », mais connue dans le pays sous celui de « Mouillarien », en français « mûres ». Seules, en effet, les ronces et les épines noires sont les représentants de la flore arborescente de l’endroit. Par ci, par là, quelques grosses pierres debout, ou couchées sous des broussailles épaisses, reposent les regards et servant parfois de sièges aux fillettes qui viennent garder leur vaches en tricotant. […] autour de vous, ces grosses pierres, émergeant en rond et paraissant disposées intentionnellement en un vaste cercle, donnent à l’ensemble quelque chose de solennel. ». Une pierre fut brisée lors de la découverte. Celle-ci était, semble-t-il, un peu à l’écart des autres blocs dans le coin d’un champ et près d’un sentier. Le docteur Passillé a aussi établi un plan de l’ensemble avec en fond les parcelles cadastrales (les blocs y sont agrandis pour le rendre plus lisible). Le document nous indique que, à l’époque, on pouvait voir des menhirs qui formaient grosso modo les restes d’un quadrilatère à la fois dans le clos Bougaren et le clos Plancho, ainsi que, non loin de là, dans le clos Plancho, deux autres menhirs. L’un d’entre eux, couché et de grande taille, correspond peut-être au menhir de 3m couché du clos Plancho signalé par Cayot Délandre.
Une voie de chemin de fer desservant Port Navalo fut mise en service en 1910 ; celle-ci traverse en partie cet ensemble mégalithique. En 1913, H.-P. Hirmenech prend une photo du site proche de la voie ferrée et le décrit brièvement dans un article publié dans les « bulletins et mémoires de la société archéologique de Paris ». Il interprète le monument comme étant un dolmen : « Le monument assez modeste [...] laisse voir un des supports encore dressé […], il faut presque encore en deviner deux autres ainsi que la table brisée. ». Les blocs présents sur la photo sont toujours à la même place aujourd’hui dans un jardin privé et sur le bord du trottoir pour le plus massif d’entre eux. Ce dernier semble en place puisque qu’il est profondément enfoncé (à tel point qu’en 1960 il n’a pu être déplacé lors de la mise en place d’un poteau électrique selon un témoignage recueilli par l’association de la Maison forte de Rhuys [bulletin n°26]). Les parcelles sur lesquelles se situaient les menhirs d’après le plan de Passillé ont été urbanisées à partir des années 1970.
Les prospections menées par la Maison forte de Rhuys et celles menées ensuite par Serge Cassen, Olivier Celo et Christian Obeltz, ont permis de découvrir un peu plus d’une quinzaine de blocs dans les jardins des propriétés où se situait le site mégalithique et dans celles aux alentours. Le dépôt de haches se situait dans l’une des propriétés de la rue des Ajoncs où l’on peut observer le plus grand nombre de monolithes. La Maison forte nous donne les témoignages de certains propriétaires des parcelles sur lesquelles se situent des monolithes (Bulletin n°26). Ceux-ci nous apprennent qu’il semble que la plupart des monolithes sont authentiques. Si certains n’ont pas bougé lors de l’urbanisation des parcelles, la plupart des blocs ont du être plus ou moins déplacés.
Pour finir, on notera qu’un sondage menée par l’INRAP à quelques dizaines de mètres au Nord Ouest n’a révélé aucun vestige archéologique.
On remarquera que malgré les nombreuses descriptions du site, il est difficile de savoir à quoi il ressemblait à l’origine. On ne peut même pas savoir avec une entière certitude s’il s’agissait d’un dolmen ou d’un groupe de menhirs.
Examinons tout d’abord l’hypothèse selon laquelle le monument aurait été un dolmen. On peut dès lors supposer que les blocs du dolmen auraient été poussés sur les bords des parcelles après l’observation de Cayot Délandre, expliquant le fait que, sur le plan de Passillé, leur position épouse les contours des propriétés. Il est alors étonnant que M. Passillé observe des pierres dressées…
Examinons ensuite l’hypothèse selon laquelle il s’agissait d’un ensemble de menhirs. Cette version est plus facilement défendable : en effet Cayot-Délandre et A. de Francheville précisent que le « dolmen » était « ruiné » et pourraient donc s’être trompés dans leur interprétation du site, d’autant plus que, comme l’indique M. Passillé, l’endroit était alors couvert d’une végétation touffue ayant pu cacher une partie des monolithes aux deux premiers auteurs ; par ailleurs, ces derniers ne se sont pas particulièrement arrêtés à ce monument, au contraire de M. Passillé qui a consacré un article entier au site de Bernon et en a dessiné un plan. Signalons enfin que des anomalies dans le cadastre de 1827 soutiennent cette hypothèse, notamment une bifurcation en arc de cercle de l’ancienne parcelle n°1828 à l’endroit où s’arrêtait l’une des files de pierres du plan de Passillé. Les limites de parcelles cadastrales se seraient appuyées sur les files de menhirs comme cela est arrivé régulièrement dans la région. Le plan de Passillé parait donc être le meilleur témoin du site de Bernon, même s’il est sans doute assez approximatif voire incomplet. Avant ou pendant la construction de la voie ferrée de nombreux blocs ont du être déplacés, ce qui expliquerait que H-P Hirmenech observe des monolithes pas exactement au même endroit que M. Passillé et qu’il interprète le monument comme un dolmen.

Le dépôt de Bernon

Le 18 décembre 1893, un jeune homme de Bernon possédant un terrain au Vouliaren décida de détruire une des pierres de l’ensemble décrit précédemment, car elle constituait un obstacle lors du labourage. Avant de la faire sauter, il creusa autour du rocher et découvrit alors une autre pierre entérrée sous laquelle il trouva 17 haches polies, tranchants orientés vers le ciel, disposées en un ovale assez régulier entouré d’un muraillement de pierres sèches. Ces haches furent jetées dans un champ voisin et servirent de jouets aux bergers et aux enfants faisant l’école buissonnière. Quinze de ces haches furent achetées par M. Passillé en 1893 et seize sont aujourd’hui conservées au musée d’archéologie national à Saint-Germain-en-Laye.
Sur ces seize haches, six sont faites en fibrolite dont le gisement se situe à 10 km d’Arzon. Les autres ont été fabriquées en roches vertes provenant probablement des Alpes. Quelques-uns de ces outils d’apparat sont perforés à l’extrémité opposée aux tranchants. Ces objets sont d’une fabrication très soignée, avec un polissage d’une parfaite exécution sur toute leur surface.

Le tumulus de Bilgroix

Ce grand tumulus (120 m de long, 16m de large, 2m de haut) a été découvert en 1976 et bénéficia d’une fouille de sauvetage dirigé par C-T Le Roux en 1979 permettant de l’étudier en partie avant sa destruction pour la construction de maisons. Contemporain des plus vieilles tombes à couloir, il renfermait plusieurs petits cairns bas et des petits caissons. La destination de cet immense monument semble ne pas avoir été funéraire : il aurait plutôt été édifié pour servir de plateforme  (dans un but inconnu). Ce tertre peut être rapproché d’autres tumulus longs de la région comme les tertres du Manio et de Kerlescan.

Les dolmens et menhirs de Pen Castel

Plusieurs mégalithes ont existé aux alentours de la pointe de Saint-Nicolas :

Menhir de Kerantalec

Près de la route menant de Pen Castel à Kerner, au lieu Kerantalec, le chanoine Mahé décrit dans son Essai sur les antiquités du département du Morbihan (1825) une « pierre gisante qui, dans la partie du milieu, est cylindrique et dont le diamètre s'amoindrit graduellement jusqu'à ses deux extrémités. Elle couvre de sa longueur un espace d'environ 17 pieds [5 mètres]. […] Elle paroît avoir été travaillée ». Selon lui cette pierre ressemble fortement au menhir de Kermaillard (qui était alors couché) et à la stèle de Men Heol à Sarzeau (un autre grand menhir couché réutilisé comme table de couverture d'un dolmen). Ces pierres ont comme traits communs leur taille (aux alentours de 5m), leur forme (leurs surfaces ont été applanies) et le fait qu’elles sont couchées. La comparaison permet de se faire une bonne idée de la stèle de Kerantalec qui devait être remarquable.
En 1902, Adrien Régent, en parlant du même site, décrit un menhir couché servant de fondation à une ancienne maison : « Le menhir […] avait au moins quatre mètres et se composait d’un beau granit gris ; la pierre a été brisée à plusieurs reprises. Un meunier du voisinage vient encore d’en enlever un bloc pour son moulin. ».
H.-P. Hirmenech indique que ce même menhir couché a été brisé un peu avant 1900 par un propriétaire qui voulait en faire une pierre tombale ; il évoque également les fondations dont parle Adrien Régent : « on y voit, à côté des débris mégalithiques, les vestiges d'une construction moins ancienne, rectangulaire. ». Celui-ci prend des photographies du site qui, bien que de mauvaise qualité, permettent de s’en faire une idée plus précise. Au bord de ce qui semble être une route, on aperçoit de nombreux blocs de plus d’un mètre de longueur gisant sans ordre. En arrière plan d’une des photographies, on distingue un mur de pierres sèches (s’agit-il des fondations mentionnées précédemment ?). Si toutes ces pierres proviennent effectivement d’une seule grande stèle celle-ci devait être considérable.

Dolmen de Kerné

En 1912, dans le même secteur, Z. Le Rouzic effectue une fouille d’un monument qu’il appelle le « dolmen de Kerné » et qu’il situe sur une hauteur à environ à 140 mètres au Nord Est du site précédent. Il évoque trois blocs debout, dont deux pris dans une clôture et le troisième perpendiculaire aux autres qui semble indiquer les restes d’un dolmen. Cette fouille, décrite dans le bulletin de la société polymathique du Morbihan (1912), ne donna aucun résultat.

Pseudo alignements de Kerantalec

En 1912 H-P. Hirmenech a publié un article dans les bulletins de la société d’anthropologie de Paris à propos d’un ensemble formé de petits blocs dressés formant deux lignes espacées de 80cm sur une trentaine de mètre de long. Selon Z. Le Rouzic en 1912 ce site est en réalité un agencement moderne.

Menhir de la pointe Saint-Nicolas

Un menhir de 3m de long existait jadis couché sur la pointe Saint-Nicolas.
Enfin, un menhir est mentionné au nord de la rue de Kerantalec sur les anciennes cartes IGN ; P. Gouézin le signale dans son livre sur les mégalithes du département du Morbihan comme un menhir en granite (couché) de 3m de long dans le jardin d’une propriété. S’agit-il d’un des menhirs décrits précédemment ?



Les blocs du chemin du Poul Jackez

Au sud du chemin du Poul Jackez, subsistent six pierres alignées et couchées. Celles-ci ont été découvertes en 2019 à l’occasion d’une prospection menée par Serge Cassen, Olivier Celo et Christian Obeltz. La plupart des blocs sont assez mutilés mais certains font tout de même près de 2m de longueur. Bien que des traces d’érosion semblent indiquer que le plus grand bloc a jadis été dressé, on ne peut pas affirmer avec certitude que cet ensemble soit les restes d’un alignement mégalithique (d’autant plus que les pierres ont sûrement été déplacées).

bloc du poul jackez
Un des blocs du Poul Jackez

Autres mégalithes

D’autres mégalithes existent ou ont existé dans la presqu’île d’Arzon. Parmi ceux-ci, on peut citer les dolmens de l’île Danten, le menhir et le dolmen détruits à l’est du bourg d’Arzon, ou encore le tumulus en grande partie arasé et le menhir de Beninze.

Sources